• take-shelter.jpgLa maladie psychique est une catastrophe naturelle. De la même manière que s'il était face à une tempête dévastatrice ou à un raz de marée, face à la psychose l'homme ne peut absolument rien. Malgré tous ses talents, ni la science (la chimie du psychiatre), ni l'amour (le dévouement de sa femme), rien ne peut empêcher un homme, tel que Curtis dans ce film, de sombrer dans le délire paranoïaque qui semble être inscrit dans son destin de manière implacable. 

     

    Curtis pressent l'arrivée de catastrophes naturelles imminentes. Il interprète le moindre assombrissement du ciel, la moindre agitation d'un essaim d'oiseaux comme les signes de dangers qui vont entrainer l'effondrement du monde. Parce que son monde intérieur est en train de s'effondrer.

     

    Il est alors obsédé par l'idée de construire un abris (a shelter) dans les bas-fonds de son jardin. Et à cause de cette obsession, il va perdre son travail, il va ruiner sa famille et il va mettre en péril la possibilité de soigner sa fille sourde et muette. La psychose commence à tout ravager sur son passage ! Cet abris sous-terrain est la métaphore des derniers retranchements de sa psychée qui bascule peu à peu dans les ténèbres. C'est un endroit retiré du monde, sombre, et éclairé par une faible lampe. Son abris est le dernier refuge pour lequel il se bat, comme il se bas avec courage pour resister à cette folie qui l'embarque malgré lui.

     

    Et malgré le puissant amour de sa femme aussi (la douce et si maternelle Jessica Chastain). De la même manière que dans 'L'Enfer' de Chabrol, il est très émouvant de voir cette femme qui accompagne la détresse de son mari qui bascule, sans que l'amour ne puisse rien y changer.

     

    La maladie psychique est une catastrophe naturelle. Naturelle dans le sens où c'est finalement une protection qui n'est pas si insensée face à la cruauté du monde. L'homme face à l'univers, face à sa faiblesse infinie et à l'idée de sa propre mort et celle à venir de ceux qu'il aime, n'a-t-il pas finalement RAISON d'avoir peur. Curtis n'est-il pas finalement celui qui voit clair, quand tous les autres s'occupent à de futiles activités ? Ou bien est-ce celui qui n'accepte pas son impuissance face à l'inexorable fin de ce qu'il aime ? 

     

    Sur le même thème que deux autres films primés à Cannes en 2011,  'The tree of life''  de Terrence Malik et 'Melancholia' de Lars Von Tier, 'Take Shelter' évoque le mystère à double tranchant de l'homme face à l'univers. Dans 'Melancholia', Justine qui sombre dans la mélancholie parait également avoir une lucidité hors norme ; et ce n'est pas la science mais la volonté de protéger l'enfant qui permet de se raconter des histoires pour feindre de ne pas avoir peur de la mort. Dans 'The Tree of life', le rapport à l'infinie est plus poétique et rend la présence de l'homme ici-bas merveilleuse. Et là encore, c'est le lien à l'autre, et plus particulièrement à la famille, qui permet de donner du sens à l'étrangeté de la condition humaine.

     

    'Take Shelter' montre avec brio que notre rapport au monde et lié à notre rapport aux autres et donc à la question d'interprétation collective de signes. La fille sourde et muette, enfermée dans une certaine solitude, intéragit avec sa mère et son père parce qu'elle partage un langage de signes en commun. Par contre Curtis ne partage plus avec personne l'interprétation de ce qu'il voit. La paranoïa, aussi appelée maladie de l'interprétation, met ici en évidence, que la folie ne consiste pas à sur-interpréter le réel (car nous le faisons tous) mais à ne plus trouver d'interlocuteur capable de partager notre interprétation d'un signe. La psychose entraine surtout une incommunicabilité, et par conséquent une réelle solitude et donc d'être écraser par l'univers.

     

    La remarquable prestation de Michael Shannon, dont le visage se déforme au fur et à mesure du film, contribue largement à comprendre quelle compassion on peut avoir pour un homme qui sombre dans la paranoïa, malgré sa formidable capacité de destruction. Et s'il devait y avoir une morale, ce film nous montre avec tendrese à quel point le psychotique n'est pas un monstre mais au contraire profondemment humain, voir trop humain...

     

     

    Fiche : 

    • Date de sortie
      4 janvier 2012 (2h 00min)
    • Réalisé par
    • Avec
    • Genre
    • Nationalité

      Synopsis et détails

      Curtis LaForche mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...

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  • louise-wimmer.jpg Un bel hyme à la dignité. Louise Wimmer est noble dans la pauvreté. Mais cette épreuve, qui est aussi celle de la solitude, oblige à la confrontation à soi. C'est ainsi que Mennegun film souvent son héroïne face au miroir. On y voit les rides évidentes qui marquent sa cinquantaine mais aussi ces grands yeux bleues qui évoquent la promesse de meilleurs lendemains.


    Louise se retrouve dans l'impasse du travailleur pauvre. Elle n'a plus rien : ni argent, ni temps, ni soutien humain. Elle dors dans sa voiture. Mais elle roule aussi avec sa voiture, ce qui rappelle "Le gamin au vélo" des frères Dardenne et cette idée que, malgré tout, l'essentiel est de continuer d'avancer. D'accord, sa voiture a du mal à démarrer du fait d'une batterie défectueuse, mais on sent que ce n'est que passager, et que sa voiture comme sa vie finiera par repartir.


    Malgré la cruauté d'un quotidien sans coeur et misérable, Louise abandonnée continu d'être soutenue par son corps. Finalement son dernier capital. Et si on se doute bien qu'elle s'en sortira c'est parce qu'elle n'abondonne jamais son corps : elle continu de trouver le moyen de se doucher, de laver ses dents, de faire l'amour et surtout de danser ! Son corps porte sa vie. C'est le matiériau de base du vivant. Ce film est alors l'antithèse de "Shame" de Steeve Mc Queen. Dans Shame l'homme qui possède tout, a besoin de consummer son corps dans l'excès pour se sentir vivant, quand Louise qui ne possède rien reste pourtant bien vivante parce qu'elle semble avoir confiance dans ce corps qui la soutien et qui contient la vie de manière absolue.


    Et c'est pourquoi elle ne recherche pas à se réfugier dans une relation sentimentale, ni n'attend un homme pour la sortir du trou. Elle pleure, mais elle ne compte que sur elle-même pour s'en sortir. Et c'est seulement quand elle retrouvera un appartement, une position claire dans la ville, dans l'espace, qu'elle pourra renouer des relations apaisées avec les autres. 


    Louise (sublime prestation de Corinne Masiero) n'est pas causante. Elle ne peut pas dire la vérité sur elle-même alors elle ne dit rien. La gravité de sa situation l'oblige à une certaine profondeur qui n'est pas possible de partager dans la banalité d'une conversation. Alors le peu de fois où elle parle, c'est un timbre sourd qu'on entend. C'est très juste d'avoir filmer cette voix grave et caverneuse comme si elle venait du fond de ses entrailles, comme si c'était douloureux pour Louise de la laisser sortir. 


    Sur un morceau de Nina Simone qui revient en boucle "Sinnerman" et recommence chaque fois sur ces mots "Oh Sinnerman, where you gonna run to" on comprend qu'il importe moins de savoir vers quoi on se dirige que de continuer d'être en mouvement toujours et encore, en acceptant tout simplement de prendre la vie comme elle vient, avec ses hauts et ses bas.

     

    Fiche :

    • Date de sortie
      4 janvier 2012 (1h 20min)
    • Réalisé par
    • Avec
    • Genre
    • Nationalité
      Synopsis et détails
       

      Après une séparation douloureuse, Louise Wimmer a laissé sa vie d’avant loin derrière elle. A la veille de ses cinquante ans, elle vit dans sa voiture et a pour seul but de trouver un appartement et de repartir de zéro. Armée de sa voiture et de la voix de Nina Simone, elle veut tout faire pour reconquérir sa vie.

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  • Meilleur film : Amour de Michael Haneke

    Meilleur réalisateur : Michael Haneke pour Amour

    Meilleur acteur : Jean-Louis Trintignant pour Amour

    Meilleure actrice : Emmanuelle Riva pour Amour

    Meilleur court-métrage : Le Cri du homard de Nicolas Guiot

    Meilleurs costumes : Christian Gasc pour Les Adieux à la reine

    Meilleur montage : Juliette Welfling pour De Rouille et d'os

    Meilleur décor : Katia Wyszkop pour Les Adieux à la reine 

    Meilleur documentaire : Les Invisibles de Sébastien Lifshitz

    Meilleure second rôle féminin : Valerie Benguigui dans Le Prenom

    Meilleur scénario original : Amour de Michael Haneke

    Meilleure musique originale : Alexandre Desplat pour De Rouille et d'os

    Meilleur film étranger : Argo de Ben Affleck

    Meilleur son : A. Deflandre, E. Tisserand, G. Boulay pour Cloclo

    Meilleure photo : Romain Winding pour Les Adieux à la reine

    Meilleur espoir masculin : Matthias Schoenaerts pour De Rouille et d'os

    Meilleure adaptation : Thomas Bidegain et Jacques Audiard pour De Rouille et d'os

    Meilleur film d'animation : Ernest et Célestine

    Meilleur second rôle masculin : Guillaume de Tonquedec

    Meilleur premier film : Louise Wimmer de Cyril Mennegun

    Meilleure espoir féminin : Izia Higelin dans Mauvaise fille

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  • Le palmarès complet de la 85ème cérémonie des Oscars :

    Meilleur film : Argo de Ben Affleck

    Meilleur acteur : Daniel Day Lewis pour Lincoln

    Meilleure actrice : Jennifer Lawrence dans Happiness Therapy

    Meilleur réalisateur : Ang Lee pour L'Odyssée de Pi

    Meilleur scénario original : Quentin Tarantino pour Django Unchained

    Meilleure adaptation : Chris Terrio pour Argo

    Meilleure chanson : Skyfall par Adèle

    Meilleure musique : Mychael Danna pour L'Odyssée de Pi

    Meilleur décor : Lincoln

    Meilleur montage : Argo

    Meilleure actrice dans un second rôle : Anne Hathaway pour Les Misérables

    Meilleur montage son : Zero Dark Thirty et Skyfall

    Meilleur mixage son : Les Misérables

    Meilleur film étranger : Amour de Michael Haneke

    Meilleur documentaire : Sugar Man

    Meilleur court-métrage documentaire : Inocente

    Meilleur court-métrage de fiction : Curfew

    Meilleur maquillage et coiffure : Les Misérables

    Meilleurs costumes : Anna Karenine

    Meilleurs effets spéciaux : L'Odyssée de Pi

    Meilleure photographie : Claudio Miranda pour L'Odyssée de Pi

    Meilleur long-métrage d'animation : Rebelle

    Meilleur court-métrage d'animation : Paperman

    Meilleur acteur dans un second rôle : Christoph Waltz dans Django Unchained

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  • amour-de-michael-haneke.jpgPalmares 2012 :

     

    LONGS MÉTRAGES

    COURTS MÉTRAGES

    Sélection Officielle :

     

    Jury :

    Nanni Moretti
    Philippe Antonello

    PRÉSIDENT DU JURY - LONGS MÉTRAGESNanni MORETTI

    Réalisateur
    Nanni Moretti fait ses débuts en 1969 dans le championnat de série A de water-polo et joue en équipe nationale junior en 1970. Il tourne ses premiers courts-métrages en 1973 et son premier long-métrage en 1976, Je suis un autarcique, tourné en Super 8 puis gonflé en 16 mm et distribué en salles. Suivent Ecce Bombo (1978), Sogni d’oro (1981), Bianca (1984), La messe est finie (1985) Ours d’argent à Berlin, Palombella rossa (1989), Journal intime (1993) Prix de la Mise en Scène à Cannes (1994), Aprile (1998), La chambre du fils (2001), Palme d’Or au Festival de Cannes, Le Caïman (2006) et Habemus Papam (2011). Il débute comme acteur dans Padre padrone des frères Taviani (1977) et interprète également Le Porteur de serviette (de D. Luchetti en 1991), La seconde fois (de M. Calopresti en 1995) et Caos calme (d’A. Grimaldi en 2008). Avec la Sacher Film, qu’il fonde en 1986 avec Angelo Barbagallo, il produit ses propres films mais aussi les premières œuvres de Carlo Mazzacurati, Daniele Luchetti, Mimmo Calopresti et Valia Santella. Depuis 1991, il dirige et programme la salle Nuovo Sacher à Rome. En 1998, il fonde la Sacher Distribuzione pour aider les films d’auteurs à trouver une distribution. En 2007 et 2008, il préside le Festival de Turin.
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