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    laviedadele.jpgLa vie d'Adèle chapitre 1 et 2 est la Palme d'Or 2012. Ici Kechiche sait toujours admirablement filmer la jeunesse, et affirmer ses convictions politiques. Pour la sauvegarde de l'école publique ou la liberté d'aimer à sa manière. 

     

    Adèle c'est le prénom de l'actrice, et c'est aussi le titre du film. Comme si la caméra de Kechiche avait donné la vie à cette jeune fille. Comme si Kechiche faisait exister cette créature à partir du nombre incalculables de gros plans sur elle : sur sa bouche entre ouverte en toute situation, ses cheveux qui tombent sur son visage, sa peau lumineuse ou rougie, son cul trop serré dans son jean ou fessé par Emma lors des longues scènes de sexe.

     

    La fascination du cinéaste pour son atrice est évidente. Elle s'abandonnant et offrant tout à voir de ses formes sans retenue ; et dans une sorte de passivité totale. Avec un timbre de voix chaude qui contraste avec son apparente fragilité. Il y a d'elle une grâce qui s'échappe incontestablement, et qui fait d'Adèle l'actrice et d'Adèle le personnage romanesque la grande réussite de ce film. 

     

    J'aime beaucoup la manière dont elle continu à aller travailler avec dignité malgré son profond désespoir amoureux.  La scène que je prèfère est celle où Adèle fait une danse africaine avec les petits enfants, en se forçant à paraître joyeuse tout en étant au bord de l'effondrement. Belle métaphore de l'entrée dans l'âge adulte où il n'y a pas d'autre possibilité que de faire face au monde malgré nos chagrins intimes accumulés.

     

    Ce film est aussi un espoir réanimé envers la jeunesse d'aujourd'hui qui fera le monde de demain. Kechiche nous rassure : oui cette nouvelle génération continuera à aimer la littérature et la philosophie qui ne mourreront jamais malgré l'ère d'Internet. Et oui ils/elles continueront de mener des luttes collectives pour le maintien des progrès sociaux telle que l'école pour tous, malgré l'individualisme grandissant et la défiance envers le politique.

     

    C'est aussi un magnifique plaidoyer pour banaliser l'homosexualité. Le montage qui met côte à côte les actes sexuels lesbiens et la relation d'Adèle avec les enfants de sa classe, semble vouloir dire qu'un individu homosexuel n'est pas de facto malsain ou pervers. Et que l'inquiétude de voir élever nos enfants par des homosexuels n'est pas fondée.

     

    Mon seul bémôle est que je ne crois pas à la passion amoureuse d'Adèle avec Emma. Sans doute parce je ne crois pas au personnage d'Emma : lesbienne affirmée qui lisait Sartre dans sa jeunesse, d'éducation bourgoise, qui peint des nues de femmes (pas très beaux d'ailleurs) et qui finit par exposer dans une galerie prestigieuse. On dirait "Plus belle la vie" ! Peut-être que l'amour exclusif de Kechiche pour Adèle lui a fait négliger la construction du personnage de Léa... 

     

    Contrairement à ce que répète la presse, je ne pense pas que Kechiche ait voulu dire qu'Emma et Adèle sont en rupture du fait de leur différence sociale. Je pense plutôt qu'Emma croit en la nécessité de l'art pour sublimer sa vie, alors qu'Adèle n'a pas besoin d'art puisqu'elle croit que l'amour va remplir sa vie. Et ce sont ces deux croyances qui les divisent. Qu'est-ce qui peut nous combler et réduire notre angoisse de la solitude: le monde abstrait des idées et la production d'oeuvres d'art ou bien la relation émotionnelle et charnelle à l'autre ?

     

    Petite interprétation très personnelle. Je trouve que Kechiche filme Adèle avec beaucoup de désir, comme s'il voulait la manger morceau par morceau. Je me demande s'il n'exprime pas là justement le conflit du cineaste lui-même, à savoir qu'il est coincé entre sa satisfaction de produire un art abstrait (le cinéma) et le plaisir d'avoir pour matériaux l'humain (d'où une relation vicérale aux acteurs). Le cinéaste ne serait-il pas comme l'enfant innocent qui souhaite réunir ces deux idéaux : l'art et l'amour ? Malgré la triste vérité pratique qu'une passion pour l'un exclura systématiquement l'autre...

     

     

     

    Fiche :

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vivement le chapitre 3.

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