• J'AIME BIEN

    Never Rarely Sometimes Always - Eliza Hittman (2020)

     

     

     

     

     

     

     

     

    Film indépendant qui retrace la galère d'une jeune fille qui souhaite se faire avorter dans l'Amérique contemporaine. Sans pouvoir le dire à sa mère, sans argent pour aller dans une clinique à New-York, manipulée par les associations anti-avortements de sa ville et sans le soutien du père (un jeune adolescent inconscient). C'est grâce au dévouement, voir au sacrifice même, d'une cousine qu'elle pourra aller au bout de son choix de ne pas être mère. 

    Si ce film n'approche pas la question d'une manière très originale, le ton est assez juste et pudique : sans trop de pathos, sans trop de précisions cliniques sur l'opération. On peut quand même souligner ce regard profondément féminin sur la question du corps de la femme. Sans doute qu'un homme ne pourrait pas faire ce film là !

    A voir, pour tous les jeunes hommes et femmes pour sa dimension pédagogique.

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  • Forum L’Algérie se raconte

    Lille - Mars 2020

     

    Le féminin dans le cinéma algérien contemporain

    par Leïla Touati

     

     

    Je vais tenter d’analyser les modes de représentation du féminin dans le cinéma algérien de ces 30 dernières années. A partir de quelques films que j’ai sélectionné sur les trois dernières décennies qui sont marquantes pour l’histoire de l’Algérie : 

     

    - les années 90 autrement appelé "la décénnie noire"

     

    - les années 2000 qui marquent le retour à la paix civile et qui sonnent comme une entrée dans la modernité

     

    - puis les années 2010 qui viennent de se clôturer avec le mouvement du Hirak qui persiste encore sur les années 2020

     

    Avant de commencer je vais faire un détour par le cinéma documentaire, pour souligner que les années 2010 ont vue naître une nouvelle génération de cinéastes algériens - qui ont une trentaine d’années - et qui ont fait des films vraiment très intéressants. Leurs oeuvres documentaires se sont fait remarquées, pas seulement en Algérie ou en France, mais vraiment à un niveau international  : il s’agit surtout de 2 films (que je vous recommande de voir si vous le pouvez): 

     

    • Dans ma tête un rond-point de Hassen Ferhani (2016)

    • et Altlal de Djamel Kerkar (2017)

     

    En parlant de cette nouvelle vague d’auteurs/réalisateurs algériens, le journal Le Monde a même parler “d’un regain artistique miraculeux qui souffle fort en Algérie. C’est pour dire ! 

     

    Je suis moi-même allée voir ces films lors de leur sortie en salle à Paris, dans des petits cinéma art-et-essai forcément. Le film Dans ma tête un rond-point  montrent des hommes qui travaillent en huis-clos dans une des plus grandes boucherie d’Alger. Et le film Altal renvoie à une pratique de la poésie pré-islamique qui consiste à se tenir face aux ruines, à les contempler, pour en faire resurgir une mémoire. 

     

    Si moi aussi, en  tant que cinéphile, j’ai été impressionnée par l’immense qualité de ces oeuvres, je n’ai toutefois pas pu m’empêcher de noter que les femmes sont absolument hors-champs. C’est à dire qu’il n’y aucune femme à l’image dans ces deux films. 

     

    J’ai eu la chance de voir le film Altlal en présence du réalisateur Djamel Kerkar. Aussi je n’ai pas manqué de lui poser la question sur le fait qu’il n’y a aucune femme dans son film. Kerkar a eu l'honnêteté de m’expliquer ses raisons : il m’a raconté qu’il est très difficile de filmer une femme dans son quotidien en Algérie, parce que le rapport au cinéma est encore considéré comme assez impudique. Il me dit que certaines femmes auraient éventuellement acceptées d’être filmées mais à condition que ce soit une femme qui tienne la caméra. Alors Djamel Kerkar s’est retrouvé devant un dilemme m’a-t-il dit : “si je mets des femmes dans mon équipe technique pour pouvoir filmer des femmes dans mon documentaire, alors je vais être embarrassé pour filmer mon mon sujet : à savoir des hommes qui contemplent l’Algérie en ruine et produisent un discours poétique.” C’est pourquoi, dans la province où Kerkar avait prévu de faire son film, il a dû exclure les femmes du champs de sa caméra et de son équipe pour pouvoir mieux saisir ce monde de la rue encore très masculin dans le petit village appelé Oulled Allal où il a été tourner son film.

     

    Regardons un extrait de ces deux films : 

    Chez Djamel Kerkar, vous allez voir une atmosphère très masculine.

     

    Chez Hassen Ferhani, les femmes ne sont pas à l’image dans le cadre certes ; mais leur présence hors-champ se fait sentir  puisque le film commence avec le discours d’un homme qui parle de son amour pour une femme, Nadia.

     

    • EXTRAIT n°1 : Atlal

    https://www.youtube.com/watch?v=VM5vfZ84i7Q

    • EXTRAIT N°2 : Dans ma tête un rond-point  

    https://www.youtube.com/watch?v=FUAdMRBi-Ss

     

    Par contre, la bonne surprise est que ces deux jeunes hommes ont produits leurs films grâce à une femme algérienne de 50 ans qui s’appelle Narimane Mari Benamer. Elle également sorti un film en 2013 nommé Loubna Hamra qui a été très bien accueilli en festivals également. Je ne peux pas en parler parce que je n’ai pas réussi à le voir.

     

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    Ce détour fait, pour justifier que pour travailler sur cette question de la déclinaison du féminin dans le cinéma algérien contemporain, on ne va pas regarder du côté du documentaire, mais uniquement du côté des films de fiction. 

     

    Pour le corpus de films, j’ai sélectionné 3 films de réalisateur ou réalisatrice algérienne, avec pour critère principal que le film ait eu un certain échos médiatique en France (je regarde depuis ma fenêtre de parisienne, désolée, car j’ai peu d’accès à ce qui se dit des films de cinéma sur le territoire algérien). Pour cette sélection j’ai aussi posé comme critère que le film doit avoir une co-production avec l’Algérie. Et aussi il me semble important de préciser si le ou la cinéaste en question vit en Algérie ou non.

     

    Commençons en 1994 avec le film BabEl Oued City de Merzak Allouache. Ce dernier a grandi et vécu en Algérie jusqu’à ses quarante environ. Il est parti vivre en France dans les années 80. Il a 75 ans aujourd’hui. Dans le film BabEl Oued City, il veut montrer la vie dans un quartier d’Alger à la fin des années 80.  

     

    Si les femmes sont souvent montrées du côté du soin : soin de la maison, des enfants ou de leur beauté au hammam… elles ne sont pas complètement coupées de l'espace social extérieur car ce film montre des femmes qui circulent dans la rue au milieu des hommes, vêtues avec ou sans voile d’ailleurs. Elles semblent aller travailler avec simplicité.

     

    Image 1 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    Image 2 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    Dans ce film les femmes ne semblent pas confinées à l’intérieur mais semble participer à la vie active du pays. 

     

    Par ailleurs, elles sont souvent montrées dans le semi-extérieur que constitue la terrasse. La terrasse de maison est un endroit extérieur qui reste à l’intérieur du foyer mais qui donne un sentiment d’ouverture sur le monde. 

     

    Ce tableaux de femmes sur une terrasse présente une grande variété de formes, de coiffures, de robes mais aussi de position du corps dans l’espace ; ce qui donne un sentiment d’épanouissement du féminin. Chacune peut avoir sa propre attitude, tout en gardant un sentiment de cohésion dans le groupe, ce qui est valoriser par ce plan très lumineux, très ensoleillé.

     

    Image 3 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    De le film d’Allouache seuls les moments qui montre une femme qui s’écarte des moeurs de l’époque - quand une femme fume par exemple - vont être montrés à l’intérieur et dans une atmosphère sombre, comme un endroit caché de la société.

     

    Image4 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    L’Algérie est un pays de culture islamique mais ce cinéaste met en scène une femme qui peut choisir de retirer garder ou de retirer son foulard.

     

    Image 5 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    Image 6 : BabEl Oued City de Merzak Allouache (1994)

     

    Dans les année 90 donc,  Merzak Allouache donne le sentiment d’un féminin qui a plusieurs choix de positionnement dans le société algérienne et qui peut trouver des espaces d'épanouissement. 

     

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    Dix ans après, en 2004, Nadir Moknèche, sort son deuxième long-métrage Viva Ladjérie. Nadir Moknèche a grandi en Algérie jusqu’à l’âge de 16 ans, puis est parti vivre à Paris. Si son film peut sembler a priori plus subversif du fait d’une intrigue qui se déroule dans un cabaret ; le féminin est dans ce film bien plus contraint que dans le film d’Allouache. Dans Viva Ladjérie la dichotomie intérieur/extérieur est très marquée. Avec un féminin qui ne semble pouvoir accéder qu’à deux positions existentielles: soit emmitouflée dans un niqab qui résonne comme un islamisme importé moyen-orient, soit apprêtée selon une esthétique occidentale.

     

    Ici dans l’espace extérieur de la rue, le féminin est seule dans le cadre. Il n’y a aucune proximité avec le masculin. Les foulards islamiques qui étaient blanc dans les années 80 sont maintenant plus souvent noirs, et couvre la femme de la tête au pieds.

     

    Image 7 : Viva Ladjérie de Nadir Moknèche (2004)

     

    Image 8 : Viva Ladjérie de Nadir Moknèche (2004)

     

    Image 9 : Viva Ladjérie de Nadir Moknèche (2004)

     

    Chez Moknèche on voit une rupture forte entre le monde des hommes et celui des femmes. Les deux ordres ne se croisent pas souvent dans son cadre. 

     

    Et si l’apparence vestimentaire dans la rue renvoie systématiquement à un islam durcit par rapport à celui des années 80 ; à l’intérieur la femme ressemble à une occidentale. En imaginant que les canons de beauté occidentale ne sont connus qu’à travers lune esthétique de la  télévision reçu par satellite.

     

    Image 10 : Viva Ladjérie de Nadir Moknèche (2004)

     

    Image 11 : Viva Ladjérie de Nadir Moknèche (2004)

     

    Pour Moknèche, l’Algérie entre dans les années 2000 avec un féminin qui a perdu toute latitude dans l’espace social. Le film donne plus un sentiment d’enfermement que de liberté. Il ne resterait plus que les espaces cachés ou hors la loi pour permettre à la femme un peu d’émancipation. Et encore une émancipation discutable si elle oblige à renoncer à son identité pour imiter une femme occidentale lointaine et méconnue dans sa réalité, puisque appréhender uniquement à partir des conventions de la télévision.

     

    La femme dans ce film incarne une question qui agite Moknèche quant au devenir de la femme dans les années 2000, qu'il pose en ses terme : comment articuler la tradition islamique et le besoin d’élargir le cadre des libertés individuelles.

     

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    Enfin, pour choisir la dernière fiction algérienne emblématique des années 2010, je peux difficilement éviter de parler du film Papicha de la réalisatrice Mounia Meddour sorti en 2019. Mounia Meddour est née en Russie et a passé son enfance en Algérie avant d’aller faire ses études en France où elle vit encore aujourd’hui.

     

    Dans Papicha, la cinéaste raconte l’histoire d’une jeune femme qui rêve de devenir styliste de mode dans l’Algérie des années 90. Avec des islamistes armés de mitraillettes qui viennent interrompre brutalement son défilé de mode. Ce film vient de recevoir le Césars du meilleur premier film en France.

     

    Je suis embarrassée par le féminisme "à la française" qui se dégage du film et qui me semble assez lointain des véritables enjeux des femmes algériennes d'aujourd'hui. Les questions difficiles autour du code de la famille, de l'héritage, des protections sociales pour les mères de famille, de l'accès au travail, et à une retraite décente me semblent plus urgente.

     

    Ce film Papicha, qui me fait penser à un dessin animé pour enfants, tel "Princesse Sarah au pays des islamistes", me semble davantage flatter les représentations des médias de masse que d'approcher la dans sa réalité et dans sa singularité la société algérienne.

     

     

    Regardons directement un extrait.

     

    • EXTRAIT n°3 : Papicha

    https://www.youtube.com/watch?v=Ry0zX2Af0tk

     

    On peut voir qu’on n’est pas si loin de l'esthétique du film de Moknèche Viva Ladjérie, avec un antagonisme look à l’occidental Versus le niqab noir qui est encore très présent. Par contre la confrontation ne se joue pas à l'extérieur versus intérieur, mais dans l'espace publique de l'université.

     

    Alors pour conclure, il me semble finalement que le cinéma échoue malheureusement à représenter la femme algérienne contemporaine !

     

    Je ne crois pas que la femme algérienne soit si clivée entre un modernisme occidentale et l’islam radical.  La femme algérienne c’est autre chose, elle a son identité propre complexe à appréhender, et aussi ses espaces de pouvoir qu’il s’agit de ne pas nier… Certains films me semblent surtout flatter la vision que les occidentaux projètent sur une Algérie très méconnue. Une Algérie qui a peu d’images d’elle-même tant les arts audiovisuels y sont peu développés.

     

    Il va falloir de nombreux cinéastes - des cinéastes de l'intérieur surtout - pour tenter d’approcher ce qui se joue vraiment autour du féminin au Maghreb. Etre à la fois attachée à la culture de ses ancêtres mais tout en exprimant légitimement la demande d'une amélioration de la condition féminine.

     

    Nous sommes entrée dans l'ère de la vidéo et ne pas travailler sur les représentations de sa propre identité, c'est laisser les autres la définir pour nous.

     

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    6 commentaires
  • J'AIME BIEN

    Scream - Wes Craven (1996)Excellent film d'horreur qui raconte en creux l'aspect transgressif du premier rapport sexuel pour une adolescente aux prises avec le discours - hypocritement - puritain de la société américaine. Très drôle ! 

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  • J'AIME PAS

    Papicha - Mounia Meddour (2019)Ce n'est pas un film sans qualité, l'intention est largement louable, le propos politique légitime, les actrices rayonnantes et la caméra assez voluptueuse mais voilà - même si je suis particulièrement sensible au cinéma algérien - il y a quelque chose de superficiel dans ce film qui me gène. J'ai eu l'impression de voir Princesse Sarah au pays des islamistes. Un sorte de dessin animé pour enfant qui survole rapidement les questions des adultes. C'est à dire même pas un film pour adolescent, qui pourrait avoir sa profondeur sentimental. Non, vraiment il y a quelque chose d'enfantin dans la construction des personnages et des situations qui empêche de saisir l'enjeux politique de l'histoire des années 90 en Algérie, et la singularité des tensions qui se jouent au sein de la société algérienne. La position féministe est ici trop occidentalo-centrée pour pouvoir approcher avec justesse ce qui se passe en Algérie autour des femmes et de la tradition islamique. Sans dire que cette mise en images, aussi jolie soit-elle me donne un sentiment de déjà vu: Virgin Suicide de Sofia Coppola (2000), Mustang le film turque de Deniz Gamze Erguven (2015), Much Love le film marocain de Nabil Ayouch (2016), La belle et la meute le film tunisien de Kaouter Ben Hania ou Mektoub My Love de Kechiche (2018). Et si les films précédemment cités avaient un caractère propre à la culture dont ils parlent, Papicha est une sorte de melting pot où la singularité de l'identité algérienne n'apparait pas. 

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