• Down by low - Jim Jarmusch (1986)

     

    Down by low - Jim Jarmusch (1986)

    J'ADORE

    Il n'y  a que Jim Jarmursch pour faire du cinéma comme on fait une impro. de jazz, laissant naître la liberté à l'intérieur des plans séquence tout en restant dans la structure du thème. Presque pas d'histoire, juste une mise en situation lui permettant de mettre au centre cet infini contenu dans l'homme, jamais prévisible, jamais à cours d'imagination, quelque soit la prison qu'on lui souhaite. Cet Homme  - avec un grand H - inaliénable qui remplira toujours le cadre quelque soit le dénuement des décors alentours.

    On dit que l'ancêtre du cinéma ce n'est pas le roman mais l'opéra et chaque film de Jarmusch rappelle à quel point il est vain de se lancer dans cet art si on ne croit pas que son fondement est musique. S'il s'agit de faire naitre un sentiment qui nous colle à la peau comme s'il était notre pendant 1h30 alors la moindre note de jeu compte, le flow des dialogues, le montage percussif, le ballet des acteurs, la mélodie des mouvements de caméra. C'est avant tout une musique qui se joue devant nous dans ce film, et transforme notre humeur au gré d'une partition à la fois rythmique et langoureuse.

    Jack (John Lurie) et Zack (Tom Waits) se détestent parce qu'ils se ressemblent trop. Ce sont deux types trop sympa dans le fond et qui jouent les durs dans la forme pour se protéger d'un monde duquel ils n'ont pas la clef. Quand le petit italien Roberto, l'étranger qui sait à peine parler anglais, est très amical dans la forme parce qu'il est un homme qui peut tuer dans le fond (et sans plus de culpabilité que ça si c'est pour se défendre). Magnifiquement interprété par Roberto Benigni, ce type est un clown, avec cette grâce du clown qui est ridicule justement parce qu'il prend la vie avec le sérieux qu'elle mérite. Il ne feint pas le détachement, ni une pseudo-maitrise des situations, non il se laisse bousculer par tout arrive avec un réel engagement. Et c'est justement parce qu'il n'est pas a priori défensif qu'il déteint la clef du monde.

    Le film montre que Jack, Zack et Roberto traversent exactement la même épreuve mais qu'ils ne la vivent pas de la même manière. Jack et Zack enragent et se bagarrent sans cesse là où Roberto apporte du jeu, de la poésie et de la joie. Perdus dans la forêt la nuit, Jack et Zack cherchent à qui la faute quand Roberto fait cuire un lapin qu'il a chassé mains nues et qu'il est heureux de partager avec ses amis. Après avoir raconter son enfance avec cette mère bizarre qui caressait les lapins et leur disait des mots doux avant de leur briser le cou de façon sèche !

    Et c'est encore à cet endroit du féminin que Jarmusch et Roberto ont quelques clefs de lecture qui manquent à tant d'autres... La femme n'a jamais été le sexe faible, bien au contraire, elle est et fût beaucoup plus puissante qu'on ne le pense même dans les sociétés très patriarcales. Si on y regarde de plus près, soit à l'intérieur des couples et des familles, le féminin trouve très souvent le chemin de son pouvoir. Les deux scènes de couple qui ouvrent le film montrent à quel point les femmes exigent des choses des hommes - avec plus ou moins de succès certes - mais ce sont elles qui formulent l'ambition. Et c'est souvent pour séduire les femmes que les hommes doivent faire preuve d'ambition. Roberto parle de son père comme un homme qui avait peur de tuer les lapins quand sa mère y allait avec beaucoup de naturel ; au point qu'enfant il craignait quand elle lui disait des mots doux de peur de finir le cou tordu lui aussi.

    Et quelle bonne éducation en effet que de dévoiler que les mots (doux ou pas) sont des semblants devant le réel des actes. C'est ce qui rend Roberto puissant malgré son apparente faiblesse. C'est pourquoi comme sa mère il est un type bizarre, donc justement un être humain en harmonie avec le monde. C'est pour cela que Roberto peut perdre son cahier d'anglais dans les marécages, car ce n'est pas dans le bon vocabulaire que se situe la clef de l'épreuve. Mais dans une capacité à faire résonance avec le monde, à faire swinger le réel, c'est à dire à agir avec le plus liberté quand c'est possible tout en acceptant quand se pose les limites. C'est aussi cela l'art cinématographique : un cadre limité à 16 m sur 9 à l'intérieur duquel une grande liberté peut s'exprimer, via une esthétique en acte et au delà des discours...

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