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Par Leila7 le 29 Juillet 2017 à 16:00
J'ADORE
Dans ce film quelle photographie (de Tom DiCillo) !! Pas un plan ne rappelle pas ce que disait Godard "La photographie c'est la vérité, et le cinéma c'est la vérité 24 fois par seconde". Quelle grande œuvre de Jim Jarmush !!
Portrait vibrant d'une jeunesse américaine sans perspective, engluée malgré elle dans l'immensité du territoire américain : New-York, Cleveland ou Miami où tous les paysages se ressemblent puisque tous renvoient à un même sentiment de vide existentiel.
D'une séquence à l'autre, tous les moments du film se succèdent avec le même constat désabusé qu'aucune dynamique - aucun mouvement - ne permettra d'échapper à l'ennui et au non sens du "way of life" à l'américaine.
L'inventivité du plateau télé jetable, pour éviter le temps passé à faire la vaisselle, manifeste l'absurde puisque personne ne sait vraiment quoi faire de ce temps supplémentaire. Quand la vieille tante qui continu de parler hongrois, continue aussi de faire la cuisine et de l'amener avec un service de table à l'ancienne.
Pourtant Jarmush montre que le désir de l'autre et la satisfaction de partager des moments ensemble peut toujours donner une direction à la vie. Et même si toute relation est lacunaire et ne peut jamais complétement combler le sentiment de solitude, elle pourra toujours ajouter du sens là où la société matérialiste le soustrait.
Et quand l'égarement et la solitude redeviennent inéluctables, il restera pour ceux qui la considèrent à la mesure de son importance : la Musique ! Cette force miraculeuse qui soutient l'homme quand il ne reste rien, qui transcende le moment présent quand on croit qu'il est vide, et qui ne cesse de rappeler ce que l'homme ne cesse d'oublier : qu'il y a une pleine grâce à être là - présent - dans l'infini de l'espace et du temps.
La musique est peut-être même le sujet principal du film car on peut souligner que les trois acteurs principaux sont de vrais musiciens dans la vie : John Lurie saxophoniste, Eszter Balint violoniste et Richard Edston batteur du groupe Sonic Youth.
Eva, la seule des trois protagonistes qui semble savoir où elle va et ne pas craindre la solitude écoute sans cesse : "I put a spell on you" de Screamin' Jay Hawkins (lien du morceau). Elle, elle ne cherche pas le paradis car il s'agit d'autre chose...
Malgré une certaine laideur de la société américaine, la photo de cette bande de jeunes adultes reste magnifique. Comme pour dire que l'Homme enfermé dans un monde sans limite composera toujours un cadre sublime.
Fiche technique :
- Titre original : Stranger than Paradise
- Réalisation : Jim Jarmusch
- Scénario : Jim Jarmusch
- Production : Cinesthesia Production Inc. New-York, Grokenberger Film Produktion Munich et ZDF (sociétés de production) ; Sara Driver (producteur)
- Photographie : Tom DiCillo (directeur de la photographie)
- Montage : Jim Jarmusch et Melody London
- Musique : John Lurie (orchestration pour quatuor à cordes de Evan Lurie) ; Screamin' Jay Hawkins
- Sons : Melody London et John Auerbach
- Pays : Allemagne de l'Ouest, États-Unis
- Genre : comédie dramatique
- Durée : 89 minutes
- Format : noir et blanc
- Lieux de tournage : New-York, Cleveland et en Floride
- Date de sortie : France : 16 mai 1984 (Festival de Cannes)
Distribution :
- John Lurie : Willie
- Eszter Bálint : Eva
- Richard Edson : Eddie
- Cecillia Stark : Tante Lotte
- Danny Rosen : Billy
- Rammellzee : l'homme à l'argent
- Tom DiCillo : l'employé de l'aéroport
- Richard Boes : l'ouvrier
- Rockets Redglare : un joueur de poker
- Harvey Perr : un autre joueur de poker
- Brian J.Burchill : un autre joueur de poker
- Sara Driver : la fille au chapeau
- Paul Sloane : le propriétaire du motel
Récompenses :
- Léopard d'or au Festival de Locarno
- Caméra d'or au Festival de Cannes
- Grand Prix de l’Union de la critique de cinéma
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