• Game of thrones - S8E5 - Les Cloches (2019)

    J'AIME PAS

    Si l'épisode 3 de la saison 8 montrait une guerre des morts contre les vivants, cet épisode 5 montre une guerre entre vivants bien plus terrible encore ! Cette mise en images est une ambitieuse tentative de représentation de la 1ère guerre mondiale (1914-1918) qui fût la première guerre de l'histoire à faire usage d'armes de destruction massive - ici le dragon est la métaphore d'une arme capable de détruire de manière très performante des villes entières et les civils qui s'y trouvent au passage ! Pourtant, cette manière trop lisible, trop narrative de mener le récit implique un échec à restituer le hors-sens de la guerre. L'écart entre le ton confortable du conte et l'horreur dans l'image créer une ambiguïté de propos : s'agit-il d'une dénonciation des guerres qui produisent des destructions en masse (ce que le XXè et XXIè siècles sont en train de perpétuer compte-tenu des avancées technologiques) ou bien s'agit-il d'une invitation a s'y habituer ? Cette lourde lacune qui consiste à ne pas avoir su mettre en scène le sentiment d'étrangeté et l'angoisse face à l'absurde qui accompagne ce genre de guerres (qui sans doute échappent à la représentation en réalité, à moins du talent de cinéastes comme Kubrick, Coppola, Darabont ou l'immense Michael Cimino avec Voyage au bout de l'enfer) souligne a quel point cette série a beau y mettre les moyens, elle ne peut pas prétendre égaler l'art cinématographique.

    C'est peut-être une limite intrinsèque à la forme de la série qui se veut a priori infinie dans sa durée. Car pour qu'un individu reste planté des heures et des heures devant une centaine d'épisodes, il lui faut retrouver chaque fois un certain confort psychique, afin que tels des enfants, les adultes d'aujourd'hui puissent se faire raconter des histoires interminables avant de dormir... Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? *

     

    Fiche technique :

    Adapté des romans de George R.R Martin

    Réalisation : Miguel Sapochnik

    Production : David Benioff et D.B Weiss

     

    * Les Mille et Une Nuits, conte arabe du Xe siècle, auteur anonyme

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  • Ma vie avec John F. Donovan - Xavier Dolan (2019)J'AIME BIEN

    Avec Xavier Dolan on sait d'avance qu'on va passer un moment chargé émotionnellement, intelligent et stylé... promesse tenue, et pourtant... il manque quelque chose. Peut-être de la profondeur, celle qui ne prend sa place au cinéma qu'à condition d'accepter que l'humain ce n'est pas si simple. Dolan est un mec bien, du bon côté de la force. Il prêche pour la tolérance, la diversité éthiques, le respect de la souffrance humaine d'où qu'elle vienne (des riches ou des pauvres, des jeunes ou des vieux), la liberté d'aimer à sa manière, la considération pour le discours des enfants, la stylisation kitch du way of life prolétaire... Tout cela avec la sincérité de traiter des "problèmes de riches" qui le concerne personnellement, comme ici être célèbre trop tôt. Et pourquoi pas.

    Mais voilà, dès qu'il s'agit d'entrer dans le dur du sujet, ce jeune cinéaste surdoué me parait prendre la poudre d'escampette. Dans son film précédent Juste la fin du monde (le seul film de sa filmographie que je n'aime pas du tout), l'angoisse du personnage principal qui va mourrir du sida est illisible, trop intériorisée par l'acteur pour faire cinéma. Comme le dit Godard "la forme c'est le fond" et sans doute que pour s'attaquer à l'impossible a représenter que constitue la conscience de sa propre mort prochaine, il faut trouver une forme philosophique plus singulière avant de montrer la soeur adolescente super cool qui passe à côté de la révélation de son frère pourtant tellement beau.... Waouou.

    Dans Ma vie avec John F. Donovan, c'est une peu pareil, Dolan s'attaque à un problème important : qu'est-ce qu'être soi ? Avec l'idée que ce n'est pas la célébrité qui permet d'être en accord avec soi-même mais bien les relations qu'on créer autour de soi sur la durée. Merci pour le soutien au développement personnel, mais si la perte d'identité de John l'amène à l'overdose, voir au suicide, rien dans le film ne tente d'approcher le réel de cette descente au enfer. Certes quand John pète les plombs il devient très très violent mais quand même il reste toujours tellement cool, tellement beau goss. Aucun sentiment d'étrangeté, aucune angoisse du vide, aucun vertige de la solitude n'est transmis au spectateur. Toute la réalité est ici trop tenue, trop prévisible, trop stable. L'amant qui n'attend plus sa vedette, la mère alcoolique qui dévalorise son fils, le frère un peu jaloux, tout cela est un peu trop convenu, trop propre sur soi. On est loin des grands films sur la célébrité qui détruit l'identité individuelle que sont Persona de Bergman, ou Mullhulland Drive de Lynch dans lesquels la réalité se déforme pour laisser transparaitre l'abysse effrayant d'un être humain englué dans lui-même sans issue. C'est douloureux à ressentir mais c'est initiatique. Dans le film de Dolan, on sent que ce jeune homme célèbre se retrouve sans soutien, mais je crois qu'on ne comprends pas pourquoi sa place ne reste pas enviable. Sans être célèbres ni riches, nous sommes tellement nombreux a traverser de grand moment de solitude dans nos vies. Ce n'est pas la fin du monde. La fin du monde c'est de ne plus trouver de direction vers laquelle se risquer, parce qu'un grand flou intérieur rend tout indifférent. Si c'est le cas de John Donovan, encore une fois ça ne se ressent pas dans ce film.

    Pourtant, j'aimerais dire à Dolan du haut de mon petit blog lu par 10 personnes par mois, qu'il ne me semble jamais très loin du chef d'oeuvre tant il y a dans son cinéma quelque chose en phase avec l'air du temps. J'aurais tellement aimé qu'il creuse ce que c'est que cette hystérie admirative pour les Star ? qu'est-ce que c'est que cette ridicule soumission qu'on certaine personnes dès qu'elles sont devant des individus reconnus publiquement ? qu'est-ce que c'est que ce désir qu'à un acteur de mettre son image au service du désir de fiction d'un autre ? qu'est-ce que cette époque où tout le monde veut se donner à voir avant de savoir où est l'être ? J'ai passé un bon moment car il y a un certain confort à se laisser prendre dans une émotivité de surface, si stylisée, mais si loin de la tragédie humaine dont il est question.

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  • J'AIME BIEN

    La mule - Clint Eastwood (2019)C'est émouvant de voir Clint Eastwood, cet acteur mythique qui a participé a l'écriture de l'Histoire du cinéma du XX ème siècle  : superbe Inspecteur Harry, sublime dans Le Bon, la Brute et le Truant  et autres westerns, etc... se montrer humblement amaigri et fragilisé par la vieillesse dans ce film La Mule. Ce visage moins beau et ce corps moins robuste à 88 ans s'offre encore à l'art cinématographique, pour preuve de sa passion totale pour son métier d'acteur et de réalisateur. Son allure est diminuée certes mais sans rien perdre de son charisme et de sa grandeur d'âme !

    Ici M. Eastwood nous livre sa répulsion du monde virtuel dans lequel le XXIème siècle nous a plongé. Et cette digitalisation du commerce qui tue a petit feu les activités manuelles locales, les lieux de rencontres collectives, c'est à dire les liens réels entre les individus. Modeste cultivateur passionné de fleurs (comme il a cultivé le cinéma) il doit fermer boutique devant un grossiste en ligne qui importe ces fleurs d'on ne sait où à moindre prix. Il doit alors se laisser embaucher par la mafia mexicaine pour transporter de la drogue sur le territoire américain.

    D'un côté, bien évidement qu'Eastwood garde son discernement moral pour montrer que le monde de la mafia est un monde sans foi ni loi, qui n'est fondé sur aucune justice mais sur une loi du plus fort qui est aussi la loi du plus traitre. Car dominer un jour, c'est pouvoir être assassiner aussi vite un autre jour. C'est un monde de luxure qui est bâtit sur la morts des autres, et qui n'a rien de très valable a apporter à un homme en construction. 

    Et pourtant, la position moins évidente et plus courageuse qu'il prend dans son film, c'est l'idée qu'a choisir entre le néant des relations sur Internet et la fréquentation des hommes du côté du mal, il est préférable de rester du côté de l'humain avec tout le tragique que cela peut impliquer. Car après avoir fait la mule pendant plus de dix trajets avec des mafieux mexicains, le vieux héros du film va réussir à établir des relations amicales avec certains d'entre eux. Il montre qu'ils chantent ensemble sur un même morceau de musique en conduisant leur voiture, qu'ils parlent ensemble quand ils s'inquiètent pour leur famille, et qu'il est possible de jouer de son influence pour aider les plus jeunes à choisir un autre voie. Son passage éphémère dans ce microcosme du crime, qu'il a choisi par dépit, reste une expérience humaine valable et c'est aussi pourquoi il l'assume en se déclarant coupable devant le juge à la fin du film. 

    Eastwood annonce par ce film presque testamentaire ce qu'il va advenir de la génération internet : elle sera dévitalisée par son absence de contacte avec la matière réelle du monde (mettre les mains dans la terre, admirer de vraies fleurs...) et par son manque de lien à l'autre. Il ne lui restera plus qu'à passer du côté du crime pour retrouver le vigoureux sentiment d'être vivant, puisque la seule issue "main stream web" est devenue mortifère !

     

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